Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/191

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de ne les point abandonner, et sur cela, il s’excusa, et dit que le cœur lui saignoit.

Les habitants de Bourgueil en recevoient grande protection ; mais, d’un autre côté, il les pinçoit quand il pouvoit. Pour le lieu, il l’a embelli en toutes choses ; car il a presque partout fait de la dépense à ses bénéfices. Bourgueil, sans doute, est une fort agréable demeure, et ce qu’il y a fait est fort beau. En revanche il a quasi coupé et vendu toute la forêt. Son intendant, Fontelaye (intendant, c’est pour parler honorablement), étoit un ecclésiastique qui avoit soin de ses affaires à Bourgueil, mais qui étoit fort aimé dans le pays. Il recevoit à ses dépens les compagnies quand son maître n’y étoit pas. Fontelaye donc, qui sentoit aussi un peu l’escroc, car tel le maître, tel le valet, lui proposa de couper une route dans la forêt pour voir passer du château les bateaux sur la Loire : il vouloit l’attraper, car la levée, qui est bordée d’arbres, empêche qu’on ne voie même les voiles. « Il se trouvera des gens, ajouta-t-il, qui prendront le bois pour la façon. » M. de Chartres le lui permit, et l’autre, qui avoit remarqué que c’étoit l’endroit où il y avoit les plus beaux arbres, les vendit fort bien, et ne fit point aplanir la route.

L’infirmier de Bourgueil, un des anciens religieux qui n’avoit point voulu prendre la réforme, voulut aussi l’attraper. Il lui propose de couper le bois du labyrinthe du parc qui étoit sur le retour, et cela aux mêmes conditions, afin d’y en pouvoir replanter un autre comme on a fait. Mais on n’attrape pas deux fois un renard. Quand le moine eut fait tous les frais, et qu’il n’y avoit plus qu’à faire charroyer le bois, le bon