Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vos parties une autre fois. » Le marchand lui fit mille remercîments et se retira. Attraper un marchand, ce n’est pas une grande merveille. Voici bien un autre exploit :

Lopès[1] ayant acheté une grande maison dans la rue des Petits-Champs, il pria M. le cardinal de Richelieu de lui faire avoir composition des lods et ventes des chanoines de Saint-Honoré. M. de Chartres y étoit qui lui dit : « Je les connois tous, je ferai votre affaire ; donnez-moi ce que vous voulez qu’il vous en coûte. » Lopès lui rend grâces, et lui porta six mille livres. Il fut long-temps sans rendre réponse, et disoit à Lopès qu’on ne gouvernoit pas comme cela tout un chapitre. Enfin, Lopès menace de le dire au cardinal : « Oh bien ! lui répondit-il, je ne me mêlerai jamais de vos affaires. Envoyez quérir votre argent. » Il y avoit une promesse de quatre mille huit cents livres et douze cents livres en deniers. Lopès n’a jamais rien pu tirer de la promesse.

Durant qu’il étoit évêque de Chartres, il devint amoureux d’une abbesse du diocèse qui aimoit mieux un certain jeune capucin que lui. Il fut averti que son rival en recevoit des lettres, et qu’il les portoit toujours sur lui. Un jour donc que ce drôle de moine l’étoit allé voir, il fit semblant d’avoir quelque chose de secret à lui dire, et l’obligea de faire retirer son bini[2]. Il lui dit donc ce qu’il avoit appris. Le Père

  1. Il avoit l’esprit vif ; l’archevêque de Bordeaux dînant avec lui, lui disoit : « Avec votre bonne chère et votre prestance (il étoit gros et gras), je vous nommerois volontiers mon papelard. — Et moi, dit-il, je vous appellerois mon papegay (mon perroquet). » (T.)
  2. Bini, terme de cloître, qui se dit d’un moine que le supérieur