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soir au matin. La veille elle étoit aussi éloignée du mariage que jamais. « Je l’aurois fait, disoit-elle, pour l’amour de lui, sans tous ses gouvernements, si j’avois eu à le faire. » Je pense pourtant qu’elle considéra aussi que d’une vieille fille elle devenoit une nouvelle mariée, et telle jeune femme qui ne lui eût pas cédé, et ne l’eût pas crue, la regarda aussitôt comme une personne de qui elle pourroit apprendre à bien vivre ; et puis, comme j’ai déjà remarqué, cela la remettoit tout de nouveau dans le monde, et elle aime fort les divertissements.

Dès qu’elle eut pris sa résolution, elle fit les choses de fort bonne grâce. Il est vrai qu’elle se fût bien passée de proposer de remettre après la campagne. Montausier devoit commander en Allemagne un corps séparé de six mille hommes ; mais M. de Turenne l’empêcha. Pisani partit devant les noces pour suivre M. le Prince. Il dit en partant : « Montausier est si heureux, que je ne manquerai pas de me faire tuer, puisqu’il va épouser ma sœur. » Il n’y manqua pas en effet.

Ce fut à Ruel que les noces se firent ; et par une rencontre plaisante, celui qu’on appeloit autrefois le nain de la princesse Julie[1], fut celui-là même qui les épousa. Le marié avoit une telle enragerie, si j’ose ainsi dire, que, s’allant coucher, il jeta sa robe de chambre dès l’entrée de la chambre. Le chevalier de Rivière disoit en riant que le marié, à la vérité, avoit consommé le mariage, mais que le reste de la nuit s’étoit passé en beaux sentiments. Il est plus jeune

  1. M. de Grasse, Godeau. (T.)