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ghien, étant à Furnes, en belle humeur, dit à table qu’il croyoit qu’il faudroit un brin d’estoc pour sauter d’un bout à l’autre du… de madame de Montausier. La Moussaye ne dit rien, mais il rit de cette plaisante vision incomparablement plus que les autres. Madame de Montausier, au retour de cette campagne, déclara à La Moussaye qu’elle ne seroit plus son amie, et qu’il lui avoit fait un fort vilain tour. « Moi, dit-il, madame, je serois le plus lâche des hommes, car sans vous j’aurois été chassé d’auprès M. d’Enghien ; vous fîtes que madame d’Aiguillon fit parler M. le cardinal à M. le Prince. — Eh bien ! lui répondit-elle, vous êtes donc le plus lâche des hommes. » M. d’Enghien voulut savoir d’elle ce que c’étoit, elle n’en voulut rien dire. On voit dans la lettre que Voiture écrit pour elle en Catalogne qu’elle étoit encore en colère. La Moussaye est mort depuis sans avoir fait sa paix. On a cru que c’étoit cette raillerie qui en fut la cause, puisqu’elle ne l’avoit pas voulu dire.

Depuis son mariage, madame de Montausier est devenue un peu cabaleuse. Elle veut avoir cour ; elle a des secrets avec tout le monde ; elle est de tout, et ne fait pas toute la distinction nécessaire. Je tiens que mademoiselle de Rambouillet valoit mieux que madame de Montausier. Elle est pourtant bonne et civile, mais il s’en faut bien que ce soit sa mère, car sa mère n’a pas les vices de la cour comme elle. Elle dit une plaisante chose à quelqu’un qui lui demandoit pourquoi elle ne laissoit pas M. de Montausier solliciter ses pensions. « Hé ! dit-elle, s’il alloit battre M. d’Émery[1],

  1. Michel Particelli, sieur d’Émery, surintendant des finances, mort en 1650.