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de la cour des aides, et qu’il gageroit. On gage contre lui, mais à condition qu’il l’iroit demander à cet homme. Voiture descend, l’aborde ; et, pour excuse, lui dit que c’étoit par gageure[1]. « Gagez toujours, lui dit l’autre froidement, que vous êtes un sot, et vous ne perdrez jamais. »

Comme M. d’Avaux étoit à Munster, en je ne sais quelle occasion, la marquise de Sablé fut obligée de lui écrire ; elle dit à Costar : « Faites-moi un peu une lettre. » Il lui en fit une ; elle la trouva si guindée, qu’elle en fit une autre et l’envoya. M. d’Avaux écrivit ici qu’il avoit reçu de la marquise la plus belle lettre du monde ; Costar donne dans le panneau, croit que c’est la sienne qu’on loue, et est assez coquin pour en montrer une copie. Voiture étoit présent ; il en parle à la marquise, qui lui dit la vérité ; il tire copie de la lettre, et en fait l’affront à Costar, quoique ce ne fût qu’en riant.

Voici encore une plaisante vision de Voiture. Il y avoit un homme dans la rue Saint-Honoré, vers les Quinze-Vingts[2], pour le privé duquel Voiture avoit une telle amitié qu’il se détournoit de quatre rues pour y aller, quoiqu’il ne connût presque point cet homme, et cela familièrement sans le demander. Cet homme s’en ennuya, et y fit mettre un cadenas, puis un loquet qu’on n’ouvroit qu’avec une clef. Voiture trou-

  1. Voiture n’a jamais été à l’Académie que pour s’y faire condamner sur une gageure. (T.)
  2. L’hospice des Quinze-Vingts étoit situé rue Saint-Nicaise. Après la suppression de la maison du Roi, sous le ministère de M. de Saint-Germain, ce bel établissement fut transféré à l’hôtel des Mousquetaires, rue de Charenton.