Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des gens qui ne lui plaisoient pas, qu’il se mit en un coin, et ne parla plus ; et quand il voulut s’en aller, en lui disant adieu, il lui mit la main sous le menton comme pour la caresser, ainsi qu’on fait des petites filles. Il y eut une grande querelle pour cela. Madame de Rambouillet dit que Voiture ayant vécu fort familièrement, mais non licencieusement avec mademoiselle Paulet, lui dit quelque chose au retour de Flandre qu’elle prit de travers, et cela lui arrivoit fort souvent. Depuis, étant aigrie, elle interprétoit tout en mal, et les choses qu’elle eût trouvées bonnes autrefois, elle les trouvoit mauvaises. Il n’y a jamais eu d’amour entre eux, mais seulement une amitié tendre mêlée de quelque galanterie. La bonne fille avoit bien de l’esprit et bien du cœur ; mais, pour du jugement, elle n’en avoit pas de reste[1].

Mais il est temps de parler des combats de Voiture, car les amours et les armes s’accordent assez bien ; et, à l’imitation de l’Arioste, je chanterai l’arme e l’amori de Voiture.

Il y a tel brave qui ne s’est pas battu tant de fois que lui, car il s’est battu jusqu’à quatre fois de jour et de nuit, à la lune et aux flambeaux. La première fois, ce fut au collége contre le président Des Hameaux[2] ; la seconde, contre La Coste, pour le jeu ; et il y eut une rencontre assez plaisante, car Arnauld,

  1. Voyez précédemment, t. I, p. 196, l’article que Tallemant a spécialement consacré à mademoiselle Paulet.
  2. Il en est fait mention dans la Pompe funèbre de Voiture en ces termes : « Comme Vetturius cribloit de nuit dans l’Université d’Orléans, et comme un matois Normand lui coupa les doigts. » (Œuvres de Sarasin ; Paris, 1685, t. 2, p. 22.)