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une fois elle lui donna quatre mille louis d’or. Il avoue qu’il en a tiré quarante mille écus.

Reprenons à cette heure toute la famille en général ; Antoine Arnauld, Isaac Arnauld, intendant des finances, Arnauld du Fort, et Arnauld le Péteux, étoient frères ; ils avoient trois ou quatre sœurs. Nous parlerons de tous l’un après l’autre.




ARNAULD (ANTOINE)[1].


Antoine Arnauld, avocat, étoit un homme qui passa pour éloquent en un temps que l’on ne se connoissoit guère en éloquence. Ce fut lui qui plaida contre les Jésuites, qui n’en aiment pas mieux ces messieurs de Port-Royal. Or, une fois, du temps que le parlement étoit à Tours, un courtisan le fit de moitié de la confiscation d’un Génois huguenot, nommé Madelaine, père du conseiller au parlement. Il fallut plaider pour cela. Arnauld fit un dénombrement de tous les mauvais offices que les Génois avoient rendus à la France, et s’étendit fort sur André Doria. Madelaine, qui étoit homme de bon sens, voyant cela, se lève en pieds, et se met à dire à la cour en son baragouin : « Messiours, c’ha da far la repoublique de Gênes et André Doria avec mon argent ? » Et avec cette belle éloquence, il

  1. Sa femme étoit fille de M. Marion, avocat-général au Parlement de Paris. (T.)