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montrer tout ce qu’il portoit. Il n’avoit qu’une chemise et qu’une fraise ; on les reblanchissoit tous les jours. Une fois que Monsieur, à qui il étoit, l’envoya quérir, il lui manda que sa chemise et sa fraise n’étoient pas encore blanches. Une fois, qu’il se crottoit, on lui dit : « Vous gâterez tous vos bas. — Vous m’excuserez, dit-il, ils ne sont pas à moi. »

Passe pour cela ; mais il a fait deux actions épouvantables dans sa vie. En se battant contre Hocquincourt, aujourd’hui maréchal de France, il lui dit : « Ôtons nos éperons, » et comme l’autre se fut baissé, il lui donna un grand coup d’épée qui passoit d’outre en outre. Hocquincourt en fut malade six mois ; et comme on croyoit qu’il en mourroit, et qu’on lui parloit de pardonner, il dit qu’il lui vouloit bien pardonner s’il en mouroit, mais non pas autrement.

L’autre action fut une perfidie inouie. Chalais vivoit avec lui comme avec son frère, et lui avoit rendu tous les services imaginables ; cependant ce fut Louvigny qui déposa contre lui à Nantes, et qui lui fit couper le cou. On accusoit Chalais d’avoir voulu débaucher Monsieur, et lui faire entreprendre une guerre contre le Roi[1].

Chalais avoit épousé une Castille, sœur de M. Jeannin de Castille, trésorier de l’Épargne, et veuve d’un comte de Chancy. C’est celle pour qui M. le comte (de Soissons) fit battre Copet[2]. Chalais tua Pongibaut,

  1. On voit, en effet, dans le Procès de Henri de Talleyrand, comte de Chalais (Londres, 1781, in-12), que Louvigny déposa sur ouï dire que Chalais avoit manifesté l’intention de tuer le Roi. Il ne porta pas loin cette iniquité, car il fut tué en duel trois ans après.
  2. Voici comment cela se passa. M. le comte étoit amoureux d’elle,