Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/356

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demain, quand elle se lève, car cela l’inquièteroit toute la nuit ; ainsi ils répondent pour elle, et puis ils lui signifient qu’elle dîne en ville, qu’il faut se dépêcher.

Une fois elle avoit prêté un livre ; ses gens le furent redemander le soir, disant : « Si madame a envie de lire dans ce livre, et qu’elle ne le trouve pas, elle sera malade. » Apparemment ses gens sont un peu fous aussi bien qu’elle, ou ils la dupent, et lui en font bien accroire.

Si elle est dans une chapelle à entendre la messe, un laquais garde la porte, car si on la fermoit elle s’évanouiroit. Elle craint étrangement l’obscurité ; on n’oseroit lui dire qu’il fait brouée, ni qu’il ne fait pas clair de lune. Cependant cette femme, qui craint tant l’obscurité, a un cent de rideaux à ses fenêtres. Elle conte ses foiblesses elle-même, et dit qu’allant en Bourgogne, elle partit trop tard de la dînée, et que, de peur de demeurer la nuit par les chemins, elle fut au galop en croupe par la plus forte pluie du monde jusqu’au gîte. Elle ne fait point de visites et en reçoit beaucoup. On l’accuse d’avoir trouvé, pour subsister jusqu’ici, une fort plaisante invention, c’est de faire semblant, deux ou trois fois l’année, de quêter pour quelque pauvre personne de qualité, mais qui ne vouloit pas être nommée ; on lui donnoit beaucoup, et elle employoit ses quêtes à fournir à sa dépense.

Brion, aujourd’hui duc d’Anville, cadet de Ventadour, avoit été amoureux de madame de Chalais, et d’abord parla d’épouser. Madame Pilou, qui vit qu’une fois il avoit manqué de parole, et qui savoit