Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/380

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C’est un homme sans façon, bon ami, mais un peu trop brusque quelquefois. Il avoit fait beaucoup de vers d’amour. Un jour il les demanda à Conrart, à qui il les avoit tous donnés, et les brûla. Il s’en est pourtant sauvé quelques-uns de galanterie à l’hôtel de Rambouillet, et entre les mains de M. de Montausier ; mais ils ne valent pas ses vers chrétiens, j’entends ceux qu’il a faits il y a quelques années, car depuis quelque temps tout ce qu’il fait est fort médiocre : vous diriez qu’il a toujours été condamné à faire un ouvrage en tant de temps. Pour un jour il fit trois cents vers en stances de dix ; le moyen que cela soit bien. Il a du génie, mais il n’a ni assez de savoir ni assez de force.

Pour subsister à Paris il a travaillé à des traductions, à des vies, à une histoire ecclésiastique ; tout cela sent l’homme qui ne pense pas à la gloire, ou qui n’y pense pas de la bonne sorte. Les bulles des deux évêchés, son peu d’économie et autres choses, l’ont réduit à cela. Il a fait des prières pour toutes sortes de conditions ; il y en a une dont le titre est : Prière pour un procureur et en un besoin pour un avocat. Il a fait imprimer aussi des instructions aux curés de son diocèse.

On trouve que M. de Vence se gâte en prose comme en poésie ; tout ce qu’il fait est fait à la hâte, et je trouve qu’il commence à se relâcher sur la morale. Volontiers il prendroit un meilleur évêché quand il faudroit pour cela faire l’éloge du cardinal : en voici une preuve. Ayant fait l’oraison funèbre du feu premier président de Bellièvre, par une bassesse ridicule il l’envoya à M. de Grignon, avant de la prononcer.