Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/393

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chant roman nommé Mélante, et demandoit à tout le monde quelque aventure pour y fourrer. Boutard lui dit qu’il y falloit mettre un Traité des couleurs, et qu’il lui fourniroit de belles pensées sur le vert de mer. Il fait après que mademoiselle de Gouy les demande au long par écrit à Gombauld. Boutard en prend copie, et les donne à Videl, qui les imprime mot pour mot. Boutard, voyant cela, fait un placard, qu’il fait imprimer et afficher au coin de la rue où logeoit Gombauld. Voici ce qu’il contenoit : Quiconque aura trouvé un sac à conceptions où il y a des pensées sur le vert de mer, le porte à Jean Gombauld, Xaintongeois, logé rue des Étuves, à l’enseigne du Barillet, à la troisième chambre, il aura un écu pour son vin. Racan s’en alla bonnement voir Gombauld : « Je viens vous consoler, lui dit-il. — Moi ? il ne m’est, grâce à Dieu, rien arrivé, » répond gravement Gombauld, et comme un homme surpris de ce compliment. « Hé ! quoi ! reprit l’autre, n’avez-vous pas perdu votre sac à conceptions ? » Voilà comme Gombauld sut qu’on l’avoit joué.

Boutard, qui est une peste, ne s’en tint pas là, car il entreprit de prouver que Gombauld, qui se piquoit de n’aimer qu’en bon lieu, cajoloit une petite cale[1] crasseuse ; que fait-il ? Il gagne cette cale et la fait aller dans la chambre de Gombauld comme il étoit dans un petit cabinet ; Boutard y fait entrer cette fille, et puis les y enferme tous deux ; après il fait venir un homme qui

  1. On appeloit cale, une fille de basse condition, à cause de la cale qui lui servoit de coiffure. Richelet cite cet exemple tiré de Sarrasin : Voiture a aimé depuis la couronne jusqu’à la cale. (Dictionnaire de Richelet. Genève, 1680.)