Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/397

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eut bien de la peine à lui faire dire oui. Cet homme lui avoit dit qu’il n’y avoit pas de sens à sa quittance ; elle n’étoit pas à sa mode. « J’ai honte, disoit-il, d’avoir reçu seul ; d’autres qui le méritent mieux n’ont rien eu : il me semble que le leur escroque. »

Il est un peu infatué du Parnasse, et répondant en qualité de directeur de l’Académie à la harangue de l’abbé Tallemant qu’on recevoit, il lui dit : « Qu’il pouvoit désormais regarder les autres hommes, comme les yeux du ciel regardent la terre. »

Pellisson, qui a fait peindre quasi tous ses amis, vouloit avoir son portrait ; jamais on n’en put venir à bout. Madame de Rambouillet l’en pressa en vain. Il dit : « Que Du Moustier[1] en avoit fait un autrefois, qui étoit l’ombre infernale de Gombauld. Cependant Du Moustier disoit en le montrant : « Voilà le divin Gombauld ; » et on disoit que Du Moustier étoit Pisandre dans l’Endymion. Il disoit que ce seroit la décrépitude de Gombauld, et il a dit à madame de Rambouillet qu’il n’avoit pas dormi depuis qu’elle l’en avoit pressé, et que, si elle continuoit, il se priveroit plutôt du plaisir de la voir, qui étoit la seule consolation qu’il eût au monde. Par bonheur pour lui, Pellisson est entré chez le procureur général (1657)[2], et il a trouvé moyen par son crédit de lui faire payer sa pension. On espère de la lui faire payer tous les ans. Pour le chancelier, il y a cinq ans qu’il lui fait dire qu’il aura soin de lui,

  1. Célèbre peintre de portraits auquel Tallemant a consacré un article dans ses Mémoires.
  2. Le surintendant Fouquet étoit en même temps procureur-général au Parlement de Paris.