Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai déjà dit que c’étoit un huguenot à brûler. Il a écrit plusieurs petites pièces de controverse, et il croit, s’il osoit les imprimer, que cela persuaderoit tout le monde. Un jour il dit, à propos d’ouvrages chrétiens, à un de mes beaux-frères, qu’il avoit fait une fois des prières assez belles pour croire qu’elles lui avoient été inspirées, et qu’en effet il n’avoit jamais rien fait qui en approchât. « Une nuit, disoit-il, que je n’avois point dormi, j’entendis sur le point du jour un grand bruit dans ma cheminée ; c’étoit l’été, il n’y avoit point de feu ; je me lève, j’y trouve une fort grosse et une fort belle plume de pigeon : je la taillai et j’en écrivis ces prières. » Il vouloit qu’on crût que le Saint-Esprit y avoit part. Après, il s’avisa que c’étoit une extravagance, et pria ce garçon de n’en rien dire. Il ajouta que ce qu’il avoit écrit un jour sur Notre Père[1] avec cette même plume, tomba dans le feu, comme si ses mains eussent été de beurre, et que ces papiers se consumèrent tous en un instant. À propos de religion, il est si emporté sur cela qu’il trouve que madame de Rambouillet a tort d’être si bonne catholique. Un jour qu’il étoit avec elle, il s’enfuit en voyant arriver de jeunes femmes qu’il connoissoit fort, en disant « qu’il faisoit peur à la jeunesse. » D’autres fois il leur contera fleurettes.

Logé avec les Beaubrun, peintres, qui ont deux femmes assez raisonnables, ils lui voulurent donner à souper. Il ne voulut point y aller que le repas ne fût commencé, et leur fit bonne chère.

Il délogea de chez un chirurgien, auprès des Beau-

  1. Sur le Pater, l’Oraison dominicale.