Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/21

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Il avoit une sœur[1] qui n’étoit pas si humble que lui. Elle disoit au duc son neveu : « Mananda[2] ! mon neveu, la maison de La Rochefoucauld est une bonne et ancienne maison ; elle étoit plus de trois cents ans devant Adam. — Oui, ma tante, mais que devînmes-nous au déluge ? — Vraiment voire le déluge, disoit-elle en hochant la tête, je m’en rapporte. » Elle aimoit mieux douter de la sainte Écriture que de n’être pas d’une race plus ancienne que Noé ; elle signoit ainsi : « Votre bien affectionnée tante et bonne amie, pour vous faire un bien petit de plaisir. » Cela me fait souvenir d’un fou de Limousin, nommé M. de Carrères ; il disoit que hors Pierre Buffières, Bourdeilles, Pompadour, et quelques autres qu’il nommoit, il ne faisoit pas grand cas de toutes les autres maisons du pays. « Mais, lui dit-on, vous ne parlez point de la maison de Carrères ? — Carrères, dit-il, Carrères étoit devant que Dioux fusse Dioux. »

  1. Marie de La Rochefoucauld-Randan, mariée en 1579 à Louis de Rochechouart, seigneur de Chaudenier. Elle se fit Carmélite après la mort de son mari.
  2. Mananda ! espèce de serment fort en usage chez les femmes aux quinzième et seizième siècles. En voici un exemple tiré de Des Périers dans le conte de l’enfant de Paris qui fit le fol pour jouyr de la jeune veuve. La dame, en se déshabillant, disoit à sa chambrière : « Perrette, il est beau garçon, c’est dommage de quoi il est ainsi fol. — Mananda ! disoit la garce, c’est mon, madame, il est net comme une perle, etc. » (Nouvelles récréations et joyeux devis de Bonaventure Des Périers ; Amsterdam, 1735, t. 2, p. 242.)