Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/354

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bonne pâte, car à quatre-vingt-six ans elle eut un vomissement effroyable, et après un dévoiement par bas, pour avoir allumé sa bougie à une chandelle empoisonnée que des laquais avoient fait faire pour endormir un de leurs camarades. Il y étoit entré de l’arsenic ; elle fut purgée pour long-temps. Une fois en visite elle se mit à conter une histoire d’une fille à qui un amant étoit tombé sur la tête, dont elle étoit morte, comme elle montoit en carrosse. Elle y mit trop de circonstances, et on ne se soucioit guère de la personne qui n’étoit pas trop connue. Elle s’en aperçut, et s’en tira en concluant ainsi : « C’est pour vous apprendre, messieurs et mesdames, à craindre plus les amants que vous ne les avez craints jusqu’à cette heure. »




BORDIER ET SES FILS.


Bordier, aujourd’hui intendant des finances, est fils d’un chandelier de la Place-Maubert qui le fit étudier. Il fut quelque temps avocat ; puis s’étant jeté dans les affaires, il y fit fortune, et fut secrétaire du conseil. Il n’y a pas plus de dix ans que son père étoit mort. Il fut long-temps fâché contre son fils, de ce que, pour l’obliger à se défaire d’une charge de crieur de corps, il lui avoit suscité un homme par qui il lui en avoit tant fait offrir, qu’enfin le bonhomme l’avoit vendue. Ce chandelier étoit fort charitable : son fils lui a toujours porté respect.