Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/399

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et dit assez haut : « Vraiment, il est aisé à voir que M. Bautru a du crédit dans la paroisse ; il y fait prêcher en faveur de monsieur son fils. » Cependant Serran étoit mieux fait qu’elle.

En Anjou, madame de Bautru, qui depuis ce mariage avoit eu permission d’aller à Serran, étoit son garde-corps. On fut contraint d’empêcher qu’elle ne reçût des lettres, car sa mère et sa belle-sœur lui écrivoient le diable de Bautru et de son fils. En ce temps-là un honnête homme étant venu de ce pays-là, à la prière de madame de Serran, alla voir madame de La Bazinière. Dès qu’elle le vit, elle lui cria : « Ah ! monsieur, ma fille est-elle encore en vie ? »

Madame Bautru, car je ne crois pas que Serran ait eu assez d’esprit pour cela, afin de se venger de ce que cette petite femme avoit dit que l’emploi d’intendant de justice en Anjou, qu’avoit Serran, étoit un emploi à faire pendre les gens, et aussi de ce qu’elle avoit traité avec mépris les parents de son mari, s’avisa un jour de convier à dîner tous les parents de feu M. de La Bazinière, dont les plus hupés étoient des notaires de village ou des fermiers, et, la prenant par la main, elle les lui fit tous saluer en lui disant de quel degré chacun d’eux étoit parent de feu son père ; puis, la fit dîner avec eux. Comme elle étoit encore en Anjou, sa cadette fut enlevée. La mère, pour se consoler, voulut voir sa fille qui étoit grosse ; elle craignoit aussi qu’elle ne fût pas bien accouchée à la province. Bautru n’y vouloit point entendre. Enfin, on fit dire à la bonne femme par un tiers qu’il falloit bourse délier. Elle donna cent mille livres, et on la fit venir en chaise. Arrivée à Paris, le beau-père fit ce qu’il put pour la gagner,