Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/417

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bazon. Le bon homme pria mademoiselle de Clisson, sœur de sa femme, de donner à dîner à la demoiselle et à lui ; mais que, comme elle n’avoit qu’une cuisinière, il lui enverroit son cuisinier avec tout ce qu’il faudroit. Il ne lui envoya qu’un petit lapin et lui amena onze personnes. Elle le connoissoit bien, et ne s’étoit point laissé surprendre. On coucha madame de Montbazon, et, exprès, la demoiselle passa dans le lieu où elle étoit, faisant semblant d’aller chercher son lit ; il la suivit et s’assit ; puis il lui dit : « Venez me baiser. — Venez-y vous-même. » Il répète ; elle répond : « Je vaux bien la peine qu’on me vienne chercher. — Je vous souffletterai. » Elle s’obstine. Il se mit en une telle colère qu’il l’eût jetée par la fenêtre s’il en eût eu la force. À quelques années de là, il s’éprit de la fille de son concierge de Rochefort, et il fallut absolument la mettre coucher avec lui ; c’étoit un tendron. La voilà couchée : il la fait relever en lui reprochant qu’elle n’avoit pas prié Dieu. Le maréchal d’Ornano n’eût pas voulu avoir affaire à une vierge ni à une personne qui eût eu nom Marie, par le respect qu’il portoit à la vierge. On dit qu’il disoit à quelqu’un : « Je ne sais plus que faire pour gagner madame de Montbazon ; si je la battois un peu ? »

Jamais le bonhomme de Montbazon n’entroit au Louvre qu’il ne demandât : « Quelle heure est-il ? » Une fois on lui dit : « Onze heures. » Il se mit à rire. M. de Candale dit : « Il auroit donc bien ri si on lui eût dit qu’il étoit midi. »

Le feu Roi demandoit une fois : « De quel ordre est ce portrait (c’étoit aux Feuillants) ? — C’est de l’ordre des Feuillants, » dit M. de Montbazon.