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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/441

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LE BARON DE MOULIN.


C’est un gentilhomme de Champagne dont le père a toujours eu bonne table et a fait assez de dépense ; il y a du bien dans la maison. En sa jeunesse, ç’a été un assez plaisant robin. Il alla au Cours avec le derrière masqué qu’il montroit à la portière, comme si c’eût été son visage. Une autre fois, pour se défaire d’une femme qui lui demandoit de l’argent, il mit son c.. hors du lit ; et, comme il avoit la tête entre les jambes, on eût dit que sa voix venoit de dedans le lit c’étoit là voix d’un homme malade il vessoit et toussoit tout à-la-fois, et cette femme disoit « Je vois bien que monsieur est bien mal il a l’haleine bien mauvaise. » Un jour, après avoir bien attendu, dans une boutique de lingère, que des femmes eussent essayé des collets et des mouchoirs au miroir, il vouloit, et il se déboutonnoit déjà pour cela, essayer aussi une chemise au miroir[1]

Il lui prit une vision sur le pont Notre-Dame ; il y rencontra un homme qui lui sembla plus laid que lui. Il l’est étrangement. « Ah monsieur, lui dit-il, qu’il y a long-temps que je vous cherche » L’autre fut assez surpris. « C’est, monsieur, ajouta-t-il, que je cherchois un homme plus laid que moi, et, si je ne

  1. D’Ouville a mis ces deux contes parmi les siens.(T.)