Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/67

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qu’une charrette fort chargée, en passant là tout contre, fit trembler toute sa boutique. Elle y alla pour le ravoir, et fit des enrageries épouvantables à ce pauvre homme, comme si c’eût été sa faute que ce portrait n’étoit pas raccommodé ; on le lui rendit en l’état qu’il étoit, et le lendemain elle le renvoya.

Elle pensa se jeter par les fenêtres quand madame de Nevers mourut, et on dit qu’elle hurloit comme un loup. Quand elle mourut, on l’enterra avec ce portrait. Elle disoit : « Je voudrois seulement être mariée pour un jour, pour m’ôter cet opprobre de virginité. » On dit qu’elle y avoit mis bon ordre.

Miossens[1] cependant avoit succédé à Jersay auprès de madame de Rohan qui le payoit bien. Il ne se contenta pas de cela ; c’est un garçon intéressé : ce fut lui qui porta madame de Rohan à faire une donation générale à sa fille, moyennant douze mille écus de pension tous les ans : il le faisoit, parce qu’il y avoit cinquante mille écus d’argent comptant dont il vouloit s’emparer. En effet, ces cinquante mille écus étant demeurés à la mère, elle lui acheta une compagnie aux gardes, du prix de laquelle il eut ensuite la charge de guidon des gendarmes ; puis, le maréchal de L’Hôpital ayant vendu sa lieutenance à Saligny, Miossens devint enseigne en payant le surplus de ce qu’il tira de la charge de guidon. Depuis, en 1657, il est devenu lieutenant, et après maréchal de France.

Quand cette donation se fit, il y avoit dans la maison cent dix mille livres de rente en fonds de terre

  1. Cadet de Pons, mari de madame de Richelieu, aujourd’hui le maréchal d’Albret. Ils sont d’Albret, mais bâtards, et de Pons par leur mère. (T.)