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coudées franches[1]. Les femelles étoient toutes ou ses sœurs ou ses parentes : elles étoient toujours dans l’adoration. On les surprit un jour qu’elle étoit comme Vénus, et les autres comme les Grâces à ses pieds. Il y avoit un cabinet tout tapissé, par haut et par bas, de moquette : c’étoit là que la société faisoit ses conversations ; on équivoquoit sur le mot de moquette, qui est à double entente, et on appeloit cette cabale la moquette. Ce fut sur cela que le chevalier de Gramont, alors abbé de Gramont, fit un couplet où il demandoit à madame de Pienne, qui se nomme Gilonne, qu’on le reçût à la moquette. Il y avoit à la fin

Ma reine Gillette,
Que de la Moquette
Je sois chevalier[2].

Il s’avisa de faire l’amoureux de madame de Rohan, et appela Chabot en duel : Chabot y va ; mais, comme il geloit, l’abbé lui dit qu’il avoit bien froid, et qu’il ne se vouloit plus battre. Le maréchal de Gramont, enragé de cela, disoit qu’il le vouloit envoyer à son père dans une valise par le messager, afin de le faire moine. Chabot s’étoit battu plus de deux fois avant cela, mais c’étoit des combats peu sanglans. On disoit que le vicomte d’Aubeterre, amoureux de sa sœur, qui vit encore, et lui, s’étoient battus, et que chacun

  1. Quand on découvrit que Chabot en vouloit à mademoiselle de Rohan, La Moussaye lui dit : « Vous vous engagez là à une grande galanterie. — Galanterie ! répondit l’autre, je prétends l’épouser. — Ah ! ce sera bien fait à vous, reprit La Moussaye en souriant. — Vous verrez, répliqua Chabot. » (T.)
  2. À cause de cela on l’appelle la reine Gillette. (T.)