Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se mésalliât, parce que, comme elle a de grandes terres en Bretagne, on craignoit qu’elle n’y rendît la maison de La Trimouille trop puissante, car le prince de Talmont, aujourd’hui le prince de Tarente, l’avoit recherchée ; ou que M. de Vendôme, revenant de son exil, ne la mariât à l’un de ses fils, et l’on sait qu’ils ont des prétentions sur ce duché, à cause de leur mère qui est de Penthièvre de par les femmes, et qu’Henri IV, qui aimoit M. de Vendôme, lui avoit donné le gouvernement de Bretagne par contrat de mariage[1]. Chabot servoit alors M. d’Enghien auprès de mademoiselle Du Vigean ; de sorte que ce fut ce prince qui, prenant l’affaire à cœur, lui fit obtenir, comme nous le verrons par la suite, un brevet de duc, pour conserver le tabouret à mademoiselle de Rohan. Folle de son nom, elle vouloit un homme de qualité qui le prît. M. d’Orléans, à qui Chabot s’étoit toujours attaché, ne trouva pas trop bon qu’il se fût mis sous la protection de M. d’Enghien[2] ; mais enfin il s’apaisa.

Il y avoit un an ou environ que mademoiselle de Rohan s’étoit retirée chez sa tante, quand M. le Prince l’ayant fort pressée de conclure, et lui représentant

  1. Nonobstant tout le bruit qu’on avoit fait, M. d’Elbeuf, alors assez endetté, offrit le prince d’Harcourt, son fils, à mademoiselle de Rohan, qui le rebuta fort. Il y avoit, à Paris, je ne sais quel fou de la maison de Wirtemberg, avec qui Harcourt fut obligé de se battre à la Place-Royale, justement devant les fenêtres de mademoiselle de Rohan. Le prince d’Harcourt désarma l’autre, qui, quand il lui eut rendu son épée, lui donna des coups de plat d’épée sur sa bosse, et cela à la vue de la personne que ce pauvre homme vouloit épouser : on les sépara, et on traita l’autre de fou ; effectivement, il a couru les rues depuis à Lyon. (T.)
  2. En août 1645. (T.)