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Page:Tamizey de Larroque - Deux jardiniers émérites : Peiresc et Vespasien Robin.djvu/14

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quêtais avec un zèle immodéré pour la restauration de la chapelle funéraire des Fabri et l’érection d’un monument au plus illustre d’eux tous. Comme je tendais ma grande main indiscrète à la dame en question, fort jeune et fort jolie, elle me dit que mon héros l’intéressait médiocrement et qu’elle aimait mieux réserver pour ses pauvres la somme qu’il faudrait me donner. En vain j’insistais sur les divers mérites de Peiresc. — Un si admirable savant ! — Oui, sans doute, mais pour moi un ennuyeux ! — Un si prodigieux collectionneur ! — Vous voulez dire un maniaque ! — Un introducteur de l’angora ! — Je déteste les chats. — À chacune de mes réclames ma spirituelle interlocutrice opposait une piquante fin de non-recevoir. Cela devenait desespérant et j’allais me résigner à battre en retraite, quand tout à coup une idée géniale, comme on dit aujourd’hui, illumina mon cerveau, une de ces idées qui, au moment critique d’une bataille chaudement disputée, font pencher la victoire du côté du général qui a saisi au vol l’inspiration décisive. Madame, lui dis-je, me souvenant d’une de ses innocentes passions, vous qui raffolez de la tubéreuse, peut-être parce que vous retrouvez en elle quelque chose de votre blancheur et de votre parfum — un vieillard a un peu le droit de se permettre une galante familiarité ! — refuserez-vous votre obole au grand amateur qui chez nous acclimata la magnifique fleur ? — Oh ! s’il en est ainsi, me répondit-elle vivement, je ne résiste plus et, en souriant, elle me remit une petite pièce d’or. Ici se pose devant moi un cas de conscience fort embarrassant. Ne dois-je pas restituer le bien mal acquis ? Je soumets humblement mes scrupules aux théologiens qui liront mon historiette.