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et elle demeurait un foyer de poésie, où, à cette date, brillait notamment l’élégiaque Mimnerme.

Poète aussi, poète avant tout, devait être Xénophane. Sans fortune, ses vers lui furent un gagne-pain, et, dès vingt-cinq ans, il adoptait la vie errante du rhapsode et du trouvère. Presque centenaire, il la menait encore, et il atteignit ainsi le temps du règne de Darius.

Si ses voyages l’entraînaient sans doute partout où il pouvait espérer un bon accueil, il ne s’expatria définitivement de l’Ionie que quand les Perses (fr. 17) vinrent y faire peser plus durement le joug de la servitude. À ce moment, Thalès et Anaximandre venaient sans doute de mourir l’un et l’autre ; Pythagore, déjà entouré de disciples à Samos, allait bientôt, lui aussi, partir pour la Grande-Grèce. Xénophane, d’abord réfugié en Sicile, put donc être témoin des rapides progrès de l’institut pythagorique dans les cités doriennes de l’Italie, alors que lui-même, en relations avec les Phocéens d’Élée, chantait l’épopée de leurs aventures, comme jadis il avait déjà chanté la naissance de sa propre patrie (Diog. L., IX, 20).

Dans sa longue carrière, il dut composer une quantité considérable de vers, sur tous les mètres et sur tous les tons. Une très grande partie de ces chants eut d’ailleurs le caractère fugitif de l’élégie, et quoique toute l’antiquité paraisse admettre qu’il a fourni le prototype, sinon le modèle, des poèmes philosophiques de Parménide et d’Empédocle, nous ignorons de fait si les fragments en hexamètres d’un caractère didactique qui nous ont été conservés comme de Xénophane, ont jamais appartenu à un seul et même ensemble, ou si, au contraire, ils n’ont point été tirés d’œuvres distinctes, composées à des dates éloignées, s’ils n’ont notamment pas fait partie, soit tous, soit au moins quelques-uns, des Parodies et des Silles, où il déploya sa verve ironique, et que devait plus tard imiter le sceptique Timon de Phlionte.

Les vers qui nous restent de lui semblent, en général, appartenir à la dernière partie de sa vie, alors qu’il cherchait sans doute à attirer l’attention en s’occupant de questions qui commençaient à préoccuper son public et qui convenaient aussi mieux à sa vieillesse. Mais tout poète vraiment digne de ce nom a, plus ou moins consciemment, élaboré un fonds d’opinions religieuses, philosophiques, morales, qui se font, un moment ou l’autre, jour dans ses œuvres et en constituent la véritable unité. Peut-être plus