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Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/170

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sement appliquée à l’explication des mouvements en déclinaison, ne se prêtait malheureusement pas, dans l’état des connaissances d’alors, à la déduction scientifique, et, par suite, son abandon ultérieur était forcé. Toutefois, elle entraînait, dans la supposition de la révolution générale, une conséquence immédiate ; le mouvement propre des planètes (d’occident en orient) doit être d’autant plus rapide que l’astre est plus rapproché de la terre. Anaximène devait donc conclure à l’ordre d’éloignement croissant : lune, soleil, cinq planètes fixes, s’il ne l’avait pas déjà emprunté aux doctrines chaldéennes.

L’adoption du même ordre par Héraclite, avec des remarques qui semblent empruntées à Anaximène, est d’autant plus remarquable que, malgré l’appui de l’école de Pythagore, cette disposition n’obtint que tardivement l’assentiment général. Celle d’Anaximandre trouva encore longtemps des partisans, et Empédocle, par une conception spéciale du soleil, devait aussi le rejeter aux confins du monde.



III. — L’Unité de la matière.


7. Si Anaximène avait profondément modifié la cosmologie de son précurseur, il suivit de plus près les explications que celui-ci avait données des phénomènes physiques. Se contentant de les compléter et de les développer, il ne dépassa pas au reste les limites du cadre tracé par Anaximandre.

Il nous reste à nous demander si, comme penseur, il mérite la place qu’il a gardée dans l’histoire. Oui, sans doute, à nos yeux du moins ; car il a, à son tour, soulevé un de ces problèmes qui sont à la limite incertaine de l’inconnaissable, qui semblent fuir devant la science à mesure qu’elle progresse, et qui, cependant, s’imposent presque nécessairement à elle. Il a, le premier, affirmé avec précision l’unité de la matière ou plutôt de la substance, car son « air indéterminé » est susceptible de sensation, d’intelligence et de volonté, de même que les corps qui en sont formés sont susceptibles d’être sentis, pensés et actionnés.

Le premier, car Thalès n’avait pas écrit sur ce sujet ; autre chose est d’émettre une idée plus ou moins vague, autre chose de la développer dans toute son étendue. Anaximandre en donne la preuve ; lui aussi devait croire à l’unité de la substance ; cette croyance est si naturelle, je dirais presque instinctive ! Sans elle,