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Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/174

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entre les conditions du mouvement des parties de la matière pondérable. Ces mouvements sont le seul élément scientifiquement assuré qui ait été posé dans les prémisses. Il ne peut y en avoir un autre dans les conclusions, et avec des relations mathématiques on ne peut créer une substance.

9. En résumé, l’unité de la matière chimique est pour nous un postulatum, tout comme pour Anaximène. Que dirons-nous, s’il s’agit de l’unité entre la matière inerte et la matière vivante ?

Je n’irai pas jusqu’à poser la question entre la matière simplement vivante et la matière sentante et pensante ; c’est un terrain rebattu où l’on piétine sans avancer. Mais, pour la vie en général, où en est-on depuis les Ioniens ?

On a résolu, il n’y a pas relativement très longtemps, un grave problème accessoire. On a établi l’identité des matériaux chimiques du monde organique et du monde inorganique. Ni creuset ni éprouvette n’ont jamais donné la moindre trace d’une substance exclusivement propre au premier de ces deux mondes.

Il n’en est pas moins incontestable que la vie se présente comme un phénomène d’un ordre tout particulier, irréductible à ceux de l’ordre physique ou chimique. Il y a donc une différence et, si nous savons pertinemment désormais que ce n’est pas dans la matière qu’il faut la chercher, nous n’en sommes pas moins conduits par les faits à un dualisme dans la forme.

Il y a deux manières de tourner la difficulté, objectivement parlant, c’est-à-dire du seul point de vue où la science de la nature puisse se placer.

Ou bien on affirmera que la vie est le cas général et que, si nous ne pouvons la constater partout, c’est en raison de la faiblesse de nos moyens d’investigation qui ne peuvent atteindre les particules extrêmement ténues, où siège la vie du monde inorganique. Cette hypothèse est évidemment toute gratuite et n’a rien de scientifique ; elle nous ramène au reste précisément à l’hylozoïsme des premiers Ioniens, sauf à l’adapter aux progrès accomplis depuis eux.

Ou bien on dira que la vie, que nous ne pouvons pas produire dans nos laboratoires, a dû néanmoins apparaître à la surface de la terre, certains éléments se trouvant en présence, dans certaines conditions de température et de pression. C’est la thèse matérialiste proprement dite.

Cette thèse était très simple, sans graves objections possibles au