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CHAPITRE IX


PARMENIDE D’ELÉE


I. — La Vérité et l’Opinion.


1. Dans le chapitre précédent d’une part, et, de l’autre, dans celui consacré à Xénophane, j’ai déjà suffisamment indiqué comment je comprenais la double position prise par Parménide alors qu’il expose d’un côté ce qu’il considère comme la vérité, qu’il développe de l’autre les opinions des mortels.

La vérité, telle que l’enseigne l’Éléate, constitue sa doctrine propre sur le monde : il le conçoit comme sphérique et par conséquent limité, mais néanmoins remplissant tout l’espace. Le vide absolu est impossible ; le vide relatif des pythagoriens est également nié. L’univers est partout également et uniformément plein ; il subsiste tel de toute éternité, et il est nécessairement immobile. Cette conception est entièrement réaliste.

L’originalité indéniable qu’elle présente ne consiste pas précisément dans les traits que je viens de rappeler. C’est la thèse moniste des Ioniens que Parménide essaie de développer scientifiquement en face du dualisme pythagorien ; pour cela il abandonne le dogme de la révolution universelle, incompatible, à ses yeux, avec la limitation de l’espace qu’il professe en termes exprès, ce qui le sépare radicalement de Xénophane ; il rejette également l’idée de genèses et de destructions successives se répétant périodiquement comme conséquences de la révolution éternelle. Mais ce qui le singularise bien davantage, c’est qu’il n’essaie pas d’expliquer les phénomènes dans sa thèse ; il lui suffit de l’avoir posée dans sa rigueur logique. La physique qu’il enseigne appartient au domaine de l’opinion.

Sur ce nouveau terrain, Parménide n’est pas, à proprement