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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

s’identifiaient naturellement. Mais je ne vois nullement que la théorie ontologique de Parménide l’oblige à rejeter ces qualités, contre le témoignage très clair des sens. J’ai limité cette théorie aux bornes précises que lui assignent les fragments et il me semble impossible de l’étendre au delà, sans preuves bien convaincantes.

En tout cas, il est bien clair que l’on n’a pas à considérer sans plus toutes les opinions de Parménide comme pythagoriennes. Bien loin de là, il faut une critique minutieuse pour discerner sur chacune d’elles si l’on se trouve bien en présence d’un emprunt authentique fait à l’École, ou, comme l’indique Zeller, d’une réminiscence des poèmes cosmogoniques, d’une théorie venue de l’Ionie, d’une formule que Parménide aura voulu marquer de son sceau personnel. La comparaison déjà faite entre lui et Alcméon, au chapitre précédent, indique suffisamment comment peut être conduite cette critique et à quels obstacles elle se heurte.

Pouvons nous même espérer qu’elle nous conduise à la certitude historique ? Il ne faut pas se faire d’illusions à cet égard ; actuellement l’histoire du pythagorisme antérieur à Philolaos est purement conjecturale ; il s’agit seulement d’émettre de nouvelles conjectures et on devra s’estimer suffisamment heureux si elles arrivent à être plus plausibles que les anciennes, si elles permettent de jeter un peu plus de clarté dans les ténèbres et d’imaginer un peu plus fidèlement et le mystérieux point de départ de la doctrine pythagorienne, et la lente évolution qu’elle subit au sein de l’École, ayant de se trouver mûre pour la complète révélation.


7. J’ai déjà dit que le début de Parménide sur l’opinion (v. 113-121) nous jette en plein pythagorisme. Le dernier vers surtout me paraît digne d’attention. Parménide veut faire connaître la science telle que la professaient ses contemporains ; mais, en Italie, seuls les pythagoriens avaient une réputation de science. Tant que nous n’aurons pas de preuve décisive que l’Éléate se préoccupe des Ioniens, nous avons droit de penser qu’il ne vise que les Italiques. Quant au vulgaire, je ne puis vraiment concevoir comment Ed. Zeller (II, p. 57) y pense ; le vulgaire n’est certes pas particulièrement dualiste et il y a une singulière exagération à dire que la perception sensible et l’opinion commune voient en toutes choses l’union de substances et de forces opposées.

Mais cela serait-il vrai, que la réduction de toutes les oppositions à une seule fondamentale constituerait un pas immense, et rien