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CHAPITRE IX. — PARMÉNIDE D’ÉLÉE.

Reportons-nous à la conception d’Anaximandre et essayons de la traduire dans le langage de Parménide. Le Milésien suppose trois couronnes concentriques à la terre, à des intervalles numériquement déterminés et correspondant à la voie lactée, à l’orbite de la lune et à celui du soleil ; ces couronnes sont formées de l’élément relativement dense et obscur (air) et remplies de l’élément subtil et lumineux (feu) ; ce feu s’échappe par des soupiraux ménagés à travers l’enveloppe dense et nous apparaît ainsi sous la forme des astres. Que faut-il pour identifier cette description avec celle du système de Parménide par le doxographe ? Il suffit de considérer chaque intervalle entre deux couronnes successives comme formant lui-même une couronne sombre.

Reprenons maintenant la description du doxographe et discutons-la plus attentivement. Il est clair, en effet, que la restitution qui précède ne peut correspondre exactement au système exposé par Parménide ; il est malheureusement trop certain d’autre part que l’exposition de l’Éléate, par suite du peu de précision de ses expressions poétiques, donnait facilement lieu à des méprises et les textes d’Aétius n’en sont pas exempts.

En premier lieu, la voûte solide qui enveloppe l’univers comme un mur n’appartient point à la doctrine d’Anaximandre, tandis qu’elle est empruntée au système d’Anaximène. Mais, quoique Empédocle ait plus tard adopté la même conception en s’inspirant peut-être du langage de Parménide, on peut, ce semble, soupçonner une erreur. L’Éléate ne distinguant que deux éléments, une épithète donnée au dense a pu être entendue dans le sens de solide, tandis qu’il est certain, par ce qui est dit de la lune, que l’air obscur était compté comme dense par Parménide. La confusion me paraîtrait certaine si le poète avait réellement désigné cette voûte sous le nom d’αίθήρ ; mais là encore il y a doute, car, dans les vers qui nous restent de lui (ex. v. 441), cette expression semble plutôt désigner la substance au sein de laquelle sont plongés les astres, tandis que la voûte sphérique extrême serait appelée οὑρανὸς ἀμφίς ἔχον ou bien ὅλυμπος ἔσχατος. En tout cas, on peut dire que Parménide s’était exprimé avec ambiguïté, et cela peut-être volontairement. Remarquons aussi que cette enveloppe limite ne joue aucun rôle dans les phénomènes, qu’elle peut donc être considérée comme immobile ; dans ce cas ce serait une conception propre à Parménide.

À l’intérieur de la voûte sphérique obscure vient d’abord une