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CHAPITRE IX. — PARMÉNIDE D’ÉLÉE.

plus approfondie sur les mouvements des corps célestes, qu’en fait Anaximandre n’avait nullement expliqués. Nous avons vu (ch. VIII, 5) Alcméon poser la révolution des planètes comme s’effectuant d’occident en orient à l’opposite du mouvement des fixes, et nous avons fait honneur à Pythagore de ce progrès qu’on ne saurait trop rehausser. Désormais le mouvement apparent des astres errants est résolu en ses deux composantes, la révolution diurne commune à tout le ciel, et le mouvement propre, beaucoup plus simple que l’apparent ; c’était là le premier pas à faire ; maintenant la route est frayée, les autres progrès s’accompliront en leur temps.

Cette conception devait avoir une conséquence immédiate pour l’ordre des astres (voir p. 158) ; il convenait évidemment de ranger les planètes suivant l’ordre de vitesse de leurs mouvements propres et de placer la plus lente au plus près du ciel des fixes, du moment où la lune était supposée plus près de la terre que le soleil[1] ; on arrive ainsi naturellement à l’ordre que suit Platon dans le mythe d’Er et qui devait être celui de Parménide, comme il avait été celui d’Anaximène.

Il faudrait maintenant pouvoir décider si le système d’Anaximandre, ainsi mis à hauteur des découvertes les plus récentes au temps de Parménide, lui a été ou non transmis par les pythagoriens ; j’écarte Pythagore, dont Alcméon, je crois, représente plus fidèlement l’opinion véritable, quand il considère les astres comme animés, quand il voit dans leur mouvement circulaire et uniforme que l’homme ne peut imiter, en joignant les deux bouts de sa vie, la preuve de leur divinité.

Le système de Parménide a incontestablement une apparence trop mécanique, surtout si l’on fait abstraction du complément dynamique de la Nécessité, sur lequel nous allons revenir à l’instant, et si l’on s’attache de trop près à la représentation de Platon ; mais les pythagoriens ont constamment oscillé du dynamisme au mécanisme, suivant la double direction imprimée par le théosophe et par le mathématicien qui se sont trouvés réunis en leur maître ; d’ailleurs, jusqu’au trait de génie de Philolaos, la révolution diurne,

  1. Si Parménide a dit (12) que la lune est égale au soleil, cela doit s’entendre seulement de l’apparence ; je ne puis comprendre l’opinion de Karsten que le mot « égal » ne se rapporte pas à la grandeur, mais à l’orbite. La supposition de l’égalité des orbites eût entraîné celle des dimensions, puisque les diamètres apparents étaient égaux pour les anciens.