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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

ce dont on juge, | il faut que tu puisses en juger, passant toutes choses en revue. |

Sur la vérité. — Allons, je vais te dire et tu vas entendre | quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l’intelligence ; |35| l’une, que l’être est, que le non-être n’est pas, | chemin de la certitude, qui accompagne la vérité ; | l’autre, que l’être n’est pas, et que le non-être est forcément, | route où je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser séduire. | Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n’est pas, tu ne peux le saisir |40| ni l’exprimer ; car le pensé et l’être sont une même chose. | .....

Il m’est indifférent | de commencer d’un côté ou de l’autre ; car en tout cas, je reviendrai sur mes pas. | .....

Il faut penser et dire que ce qui est ; car il y a être, | il n’y a pas de non-être ; voilà ce que je t’ordonne de proclamer. |45| Je te détourne de cette voie de recherche, | où les mortels qui ne savent rien | s’égarent incertains ; l’impuissance de leur pensée | y conduit leur esprit errant ; ils vont | sourds et aveugles, stupides et sans jugement ; |50| ils croient qu’être et ne pas être est la même chose | et n’est pas la même chose ; et toujours leur chemin les ramène au même point. | .....

Jamais tu ne feras que ce qui n’est pas soit ; | détourne donc ta pensée de cette voie de recherche ; | que l’habitude n’entraîne pas sur ce chemin battu |55| ton œil sans but, ton oreille assourdie, | ta langue ; juge par la raison de l’irréfutable condamnation | que je prononce. Il n’est plus qu’une voie pour le discours, | c’est que l’être soit ; par là sont des preuves | nombreuses qu’il est inengendré et impérissable, |60| universel, unique, immobile et sans fin. | Il n’a pas été et ne sera pas ; il est maintenant tout entier, | un, continu. Car quelle origine lui chercheras-tu ? | D’où et dans quel sens aurait-il grandi ? De ce qui n’est pas ? Je ne te permets | ni de le dire ni de le penser ; car c’est inexprimable et inintelligible |65| que ce qui est ne soit pas. Quelle nécessité l’eût obligé | plus tôt ou plus tard à naître en commençant de rien ? | Il faut qu’il soit tout à fait ou ne soit pas. | Et la force de la raison ne te laissera pas non plus, de ce qui est, | faire naître quelque autre chose. Ainsi ni la genèse |70| ni la destruction ne lui sont permises par la Justice ; elle ne relâchera pas les liens | où elle le tient. [Là-dessus le jugement réside en ceci] : | Il est ou n’est pas ; mais il a été décidé qu’il fallait | abandonner l’une des routes, incompréhensible et sans nom, comme sans vérité, | prendre