Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/293

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même temps le plus régulier, c’est-à-dire la révolution diurne. Mais, tandis que l’Éphésien, pour expliquer les apparences célestes, revient à des hypothèses grossières et surannées, à l’autre pôle du monde hellène, Parménide déclare que la révolution générale ne peut être qu’une illusion, que l’univers est nécessairement immobile; cette doctrine gagne du terrain et elle va trouver des partisans jusque sur les côtes de l’Ionie, puisqu’à Samos Mélissos va se l’approprier en l’étendant même à tous les phénomènes, en niant par conséquent absolument la possibilité du problème posé.

Fallait-il donc définitivement abandonner la position d’Anaximandre et d’Anaximène? Il fallait au moins la transformer; un nouveau concept s’est désormais introduit, avec lequel un mathématicien au moins doit compter et qui ne permet plus de maintenir la thèse milésienne. L’espace est infini et, comme on n’est point encore arrivé à le concevoir sans matière, comme la notion du vide absolu n’est encore qu’un fantôme sans consistance, il s’ensuit que l’univers doit être conçu comme infini, malgré les dénégations de Parménide ; il est dès lors impossible de se le représenter, ainsi que le faisaient les Milésiens, comme animé, dans son ensemble, d’un mouvement de rotation autour de l’axe du monde.

Pour reprendre le problème d’Anaximandre, il fallait donc commencer par avouer que cette rotation était limitée et distinguer la partie de l’univers qui y est soumise de l’infini qui reste immobile. Le mouvement révolutif n’est donc pas inhérent à la matière; il apparaît dès lors comme dû à une cause distincte de celle-ci.

Anaxagore donne à cette cause le nom de vûjç (*); il imagine qu’à un moment déterminé, elle a commencé à mettre en branle un petit noyau central ; de là son action s’est étendue progressivement et a successivement organisé une partie de plus en plus grande de la matière inerte; mais, puisque le champ sur lequel cette action peut s’exercer est infini, elle continue à gagner toujours du terrain, et l’on ne peut assigner une limite où elle doive s’arrêter.

(1) De l’ordre d’idées que j’expose, dérive naturellement le caractère mécanique de la cosmogonie d'Anaxagore, caractère que lui reprochera Platon ; je crois inutile, comme j’ai dit, d’insister sur l’ordre d’idées tout différent par lequel le Clazoménien a été conduit à attribuer l’intelligence à sa cause motrice; il suffit de remarquer que cette conséquence dérivait naturellement de la façon dont ses divers précurseurs avaient entendu la thèse hylozoïste.