Aller au contenu

Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
354
POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

Que l’humidité lui soit nuisible, il y en a une preuve dans l’infériorité intellectuelle des autres animaux, qui respirent l’air sortant de la terre et dont l’alimentation est plus humide que pour nous. Quant aux oiseaux, ils respirent un air pur, mais leur nature est semblable à celle des poissons ; leur chair est très dense et ne permet pas à l’air de circuler dans tout le corps, mais l’arrête dans la cavité interne ; aussi ils digèrent rapidement leur nourriture, mais ils sont dépourvus de raison. En dehors de la nourriture, la bouche et la langue ont une certaine influence ; car les animaux ne peuvent converser ensemble. Les plantes, n’ayant pas de cavité interne et ne laissant pas entrer l’air, sont absolument dépourvues de pensée.

45. La même cause prive les enfants de raison, car chez eux l’humide est très considérable, en sorte que l’air ne peut pénétrer dans tout le corps, mais se ramasse vers la poitrine, ce qui les rend hébétés et déraisonnables. S’ils sont colères et en général faciles à changer d’idée et à passer d’un extrême à l’autre, c’est que l’air ainsi dégagé dans leur petit corps est relativement considérable. C’est aussi là la cause de l’oubli ; l’air ne circulant pas dans tout le corps, le commerce entre les parties ne peut être entretenu ; une preuve, c’est que, quand on cherche à se rappeler, il y a embarras vers la poitrine ; dès qu’on retrouve, il y a dissipation et soulagement de la peine.

46. En voulant tout rattacher à l’air, Diogène tombe souvent dans l’invraisemblance. Ainsi il ne fait pas que la sensation et l’intelligence soient propres aux êtres animés. Car peut-être il est possible qu’un tel air avec ce tempérament et cette proportion se trouve partout et dans toutes choses ; si cela n’est pas, il aurait fallu le dire. En tout cas, il peut se trouver dans les différents sens eux-mêmes, en sorte qu’il serait possible que l’ouïe perçût les objets de la vision, ou bien que ce que nous percevons par l’odorat, quelque autre animal le perçût autrement, par suite de l’identité de tempérament de l’air ; ainsi la respiration pourrait faire sentir les odeurs dans la poitrine ; car il est admissible que parfois il y ait là proportion convenable pour elles.

47. Il est niais de dire pour la vue qu’elle se lait par l’air interne ; s’il réfute peut-être ceux qui admettent les images, il ne donne point de cause. Ensuite il attribue à la respiration et au mélange du sang avec l’air la sensation, le plaisir et l’intelligence. Mais il y a beaucoup d’animaux qui ou bien n’ont pas de sang ou bien ne