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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

il est absurde de penser que le soleil repoussant et chassant l’air le condense, comme il dit ; il est plus naturel qu’il le disperse. Il est également absurde de faire participer à la vision non seulement l’œil, mais encore le reste du corps ; car il dit qu’il faut que l’œil aie de la vacuité et de l’humidité, afin qu’il puisse mieux recevoir et transmettre au reste du corps. Il est irrationnel de dire que les choses pareilles se voient surtout et de faire produire l’image par les couleurs différentes comme si les semblables ne pouvaient le faire. Enfin il a essayé de dire comment on voit les grandeurs et les intervalles, mais il n’y est point parvenu ; ainsi, parlant de la vision en particulier et voulant expliquer certains points, il en a laissé davantage à chercher.

55. Quant à l’audition, il en parle de la même façon que les autres. L’air tombant dans le vide produirait un mouvement ; si d’ailleurs il peut pénétrer de même dans tout le corps, il entre surtout et en plus grande quantité dans les oreilles, là où il y a le plus de vide, et il traverse sans séjourner. Aussi la sensation a-t-elle lieu là et non dans le reste du corps. Une fois dedans, sa vitesse le fait se dissiper, car le son résulte d’un air condensé et entrant avec force. La sensation interne se fait comme, à l’extérieur, celle du toucher.

56. Pour que l’ouïe soit bien fine, il faut que la tunique extérieure soit serrée, les petites veines vides et autant que possible sans liquide et bien percées tant dans le reste du corps qu’à la tête et vers les oreilles, que les os soient épais, l’encéphale bien tempéré et ce qui l’environne aussi sec que possible ; car de la sorte le son pénètre en masse, comme trouvant un vide considérable, sans liquide et bien percé, et il se dissipe rapidement et également dans le corps sans être rejeté au dehors.

57. L’obscurité de la détermination lui est commune avec les autres. Mais il a en particulier d’absurde cette opinion que le bruit pénètre par tout le corps, que, quand il est entré par l’ouïe, il se répand partout, comme si la sensation appartenait à tout le corps, et non à l’ouïe seulement. Quand le corps d’ailleurs éprouverait quelque effet en même temps que l’ouïe, ce ne serait pas une raison pour qu’il sente ; car il éprouve toujours quelque chose en commun, non seulement avec les autres sensations, mais même avec l’âme. Voilà comment Démocrite explique la vision et l’audition ; pour les autres sens, il suit à peu près l’opinion la plus répandue.