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ne suffit pas toutefois qu’un roman soit moral pour être bon ; il doit de plus nous intéresser. Sans l’intérêt, l’écrivain n’atteint pas le but qu’il s’est proposé, qui est d’amuser, de délasser le lecteur. À ces deux qualités essentielles, il faut en ajouter une troisième, très importante, indispensable même : la correction du style. Un roman a beau être moral, il a beau nous émouvoir, s’il est mal écrit il plaira peu aux personnes bien pensantes qui exigent de tous les écrivains, des feuilletonistes et des rimeurs mêmes, du respect pour les lois de la bonne littérature.

C’est à ce triple point de vue de la moralité, de l’intérêt et du style que je vais étudier le livre de M. Lemay.

Commençons par une analyse de l’ouvrage.

Les principales scènes se passent naturellement dans le comté de Lotbinière, et les événements dont parle le roman ont eu lieu il y a une quarantaine d’années.

Un bateau, parti de Lotbinière, chavire dans le port de Québec. Plusieurs personnes se noient, entre autres Jean Letellier, cultivateur à l’aise, qui laisse un fils âgé de huit ans et une veuve qui meurt de chagrin en donnant naissance à une fille. Avant d’expirer, elle fait promettre à son petit garçon de réciter tous les jours un Avé-Maria.

Eusèbe Asselin, frère de Mme Letellier, se fait nommer ou plutôt se nomme tuteur des orphelins, Joseph et Marie-Louise, qu’il maltraite. Il envoie son neveu à l’école de José Racette, pédagogue ignorant et cruel qui punit injustement le malheureux orphelin. Parmi tous les élèves, seule une petite fille, Noémie Bélanger, pleure sur le sort de Joseph. Déjà on voit poindre le dénouement.

Ne pouvant plus supporter les mauvais traitements que lui infligent son oncle et le maître d’école, le jeune Joseph s’enfuit de la maison de son tuteur. Il emporte avec lui une bourse d’argent qu’il enlève à sa tante, sœur de Racette, qu’Eusèbe vient d’épouser. Rendu à