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un ouvrage de M. Soulary, bien connu du seul M. Marmette. Ce n’est pas bien ; d’autant plus que M. le syndic s’était solennellement engagé les publier dans le Journal de Québec, ce refuge des pécheurs littéraires. On attend avec anxiété ces sonnets, afin de pouvoir décerner à M. Auger le diplôme de grand écrivain qu’il réclame depuis si longtemps. Mais évitons les digressions.

Les sonnets de M. Évanturel ressemblent à tous les sonnets du monde, only more so. La rime y est, les vers ne dépassent pas le nombre voulu par la loi et les strophes sont disposées suivant les règles de l’art. Il ne manque qu’une chose : l’idée. Mais c’est une bagatelle dont il ne faut pas tenir compte.

Je cite quatre vers du troisième sonnet ; c’est assez :

Vous serez toujours là, penchée avec mystère,
Promenant ça et là votre front étonné,
Sur ce sonnet qu’un soir ma main a crayonné,
Ayant, à son insu, vos grands yeux pour lumière.

On admettra qu’il y a dans un sonnet de M. Évanturel de quoi nous faire promener ça et là notre front étonné.

M. Évanturel a la manie de commencer ex abrupto. Il faut presque toujours deviner le sujet. Cette manière de procéder n’est pas sans inconvénients, comme on peut le voir par les lignes suivantes, les premières d’un morceau intitulé : Cadeau de noce :

Contrat de mariage ! ô jabot de notaire !
Tu sentiras trembler ton âme dans ta voix,
Quand, tes prénoms signés, ta lèvre avec mystère,
Fera chanter ce oui sur un air de ton choix.

C’est soit le contrat de mariage, soit le jabot de notaire qui sent trembler son âme et dont la lèvre fera chanter ce oui ! Quel contrat, et surtout quel jabot !

N’en déplaise à M. Marmette, son jeune protégé n’a pas le moindre sentiment de la vraie poésie.