dant les plus humbles de ses auditeurs devaient le comprendre parfaitement ; car M. Gringras a le talent assez rare de pouvoir traiter les questions les plus élevées dans un langage simple.
C’est par les images fortes et saisissantes que M. Gingras tient éveillée l’attention de ses auditeurs. Une de ces images nous a vivement frappé : Notre-Seigneur dans le jardin des Oliviers représente Jésus-Christ, dans nos tabernacles. Dans le sacrement de l’autel, il est exposé à toutes les humiliations qui ont marqué le commencement de sa passion. Judas, entouré d’une bande de criminels le trahit par un baiser dans le jardin ; les mauvais catholiques, entourés de démons, les péchés mortels, le trahissent à la Sainte Table.
M. Gingras a parlé de la grandeur du crime de Judas, unique dans les annales du genre humain. Il y a eu bien d’autres criminels sur la terre, mais le monde les a oubliés. Judas, on ne l’oublie pas ; les siècles se suivent, et chaque siècle le maudit ; et jusqu’à la fin des temps, chaque siècle le maudira.
En écoutant cette éloquente et terrible flétrissure du crime de Judas, nous n’avons pu nous empêcher de faire une réflexion qui n’avait pas un rapport direct avec le sujet, mais qui s’y rattachait pourtant. Puisque le crime de Judas est si affreux, n’est-ce pas un véritable blasphème que de comparer un homme, coupable d’une trahison politique, au grand Traître. Un député, un journaliste abandonne son parti, pour des motifs indignes, si l’on veut : aussitôt on l’appelle Judas. Un tel a trahi le gouvernement, a trahi l’opposition, c’est un Judas ! N’est-ce pas comparer, indirectement peut-être, le gouvernement, l’opposition à Jésus-Christ lui-même ? Il ne peut y avoir aucune comparaison entre le traître politique, quelque coupable qu’il soit, et celui qui a trahi l’Homme-Dieu. Ne prodiguons donc pas le nom de Judas à droite et à gauche, comme nous le faisons trop souvent dans notre pays. Cela n’a pas l’effet d’augmenter le mépris pour les traîtres politiques, mais cela peut diminuer sensiblement l’horreur que tout catholique doit avoir pour le crime de Judas.