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MÉLANGES

hors ligne peuvent se passer d’études classiques, mais ces hommes sont rares.

Nous ne voulons pas dire qu’il faille prétendre que tout homme a besoin, pour réussir, d’un cours d’études classiques. Le cultivateur, le commerçant, l’industriel peuvent certainement faire leur chemin dans le monde sans avoir jamais étudié la grammaire latine ; et nous ne voudrions pas, non plus, voir augmenter le nombre des avocats et des médecins, loin de là. Mais ce que nous prétendons, c’est que l’enseignement qui se donne dans nos collèges est bien ce qu’il faut pour former les intelligences de ceux qui se destinent aux professions libérales.

Qu’on demande des écoles spéciales pour préparer les jeunes gens à l’industrie, au commerce et à l’agriculture ; qu’on fasse voir que dans certains de nos collèges il serait à propos de donner plus d’attention à quelques détails, à l’art épistolaire, par exemple, à la calligraphie, à l’étude du français et de l’anglais, à l’arithmétique ; qu’on préfère les auteurs chrétiens aux païens, tout cela est très bien. Mais qu’on n’aille pas supprimer le grec et le latin, la philosophie surtout, qu’on ne batte pas en brèche nos collèges classiques. Ce n’est pas réformer, c’est démolir, c’est détruire. On peut être réformateur sans avoir constamment la hache à la main. La hache est un excellent instrument, mais il faut savoir l’employer à propos. La hache est ce qu’il faut pour abattre un arbre, pour équarrir un morceau de bois ; mais le sculpteur qui voudrait s’en servir pour faire une statue n’aurait pas beaucoup de succès.

Nos collèges classiques sont dirigés par des hommes trop éclairés, trop dévoués aux véritables intérêts du pays pour que l’on puisse y appliquer un coup de hache avec avantage.

Ceux qui veulent manier la cognée — nous parlons toujours dans le sens figuré — trouveront dans le monde politique des forêts d’abus qui ne demandent qu’à être abattues.