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POUR LA PATRIE

entrevu, à droite, dans le champ, un spectacle qui fige le sang dans ses veines : un attelage à moitié enseveli dans un banc de neige. Il reconnaît le cheval de Saint-Simon, et, comme un éclair, la situation se présente à son esprit : le malheureux journaliste et son cocher se sont égarés ; et déjà, sans doute, engourdis par le froid, ils sont condamnés à une mort certaine si on ne vient promptement à leur secours.

Le cocher de Lamirande, toujours tourné à gauche, n’a rien vu.

Alors des pensées horribles traversent le cerveau de Lamirande, le brûlant comme des traits de feu. Il voit, dans un tableau, instantanément, tout le mal que cet homme néfaste a fait à la cause nationale, toutes ses noires calomnies, toutes ses abominables accusations, toutes ses criantes injustices. Il voit tout cela, et il se dit : c’est la justice de Dieu qui le frappe ; laissons faire la justice de Dieu !

Oui ! cette horreur était entrée dans la pensée de Lamirande et elle était tout près de pénétrer dans la partie supérieure de son âme. Il allait succomber à la tentation, il allait commettre un crime que seul l’œil de Dieu pouvait voir.