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POUR LA PATRIE

des deux chevaux. Mais Ducoudray n’entendait ni les grelots du cheval qui traînait sa voiture, ni ceux du cheval qui suivait. Il était à cent lieues de Montréal, et à trente années de l’an de grâce 1946. Il était dans le paisible village en bas de Québec, bien loin en bas, où il avait passé les années de sa jeunesse, et il n’avait que sept ans. Il était aux genoux de sa mère qui lui faisait faire sa prière du soir. De l’humble mansarde où il priait, l’œil découvrait l’immense étendue du fleuve, large de sept lieues, et les montagnes bleues du nord. Il revoyait ce paysage grandiose et triste, tantôt éclairé par les pâles rayons de la lune, tantôt baigné par les feux du soleil couchant. Il respirait de nouveau les fortes odeurs du salin ; il jouait encore sur la grève couverte de galets et de varechs et que le baissant avait mis à sec. Puis le montant venait couvrir d’abord les rochers au large, puis envahissait tout jusqu’au chemin, mettant à flot la vieille chaloupe.

Tout ce lointain passé lui revenait ce soir pendant qu’il cheminait rapidement vers Longueuil. La pensée de sa mère, morte lorsqu’il n’avait que huit ans, le hantait ; sa mère