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POUR LA PATRIE

Le jeune voyageur ne put terminer sa phrase. Le frère Jean, portant la main au cœur, tomba évanoui. Nous nous empressâmes autour de lui. Bientôt il reprit connaissance.

— Ce n’est rien, dit-il. Chez moi, sans doute, le cœur ne vaut pas les jambes ; il se trouble dans cette atmosphère.

Il alla s’asseoir un peu plus loin. Au bout de quelques minutes, il se dit assez remis pour pouvoir descendre. Sur mes compagnons et sur les deux jeunes voyageurs, cet incident ne créa aucune impression extraordinaire. Ils croyaient simplement à un évanouissement causé par la fatigue. Moi qui connaissais le mystère qui entourait le frère Jean, moi qui l’avais vu tressaillir et pâlir en entendant prononcer le nom de Leverdier, j’étais fermement convaincu que l’émotion seule avait déterminé cette défaillance du cœur. J’étais entièrement persuadé que nous descendions la montagne en compagnie du héros de la Nouvelle France ; et j’étais fortement tenté, je l’avoue, de faire part de ma conviction à mes compagnons de route. Mais je résistai à la tentation. Pourquoi, me disais-je, arracher à ce bon frère le secret que Dieu lui a permis de garder si