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POUR LA PATRIE

qui nous est si cher, ce Canada français dont l’histoire est si belle, afin qu’il soit le point de départ d’une nouvelle civilisation ? Je ne puis m’empêcher de l’espérer.

— Est-ce que le succès ne gâterait pas le peu de mérite que nous pouvons avoir ? interrogea Leverdier.

— Non. Il suffit, pour que le succès le plus éclatant ne gâte rien, que nous soyons toujours soumis à la volonté de Dieu… Toutefois, la réussite est dangereuse, je l’avoue. Sais-tu, mon cher Leverdier, qu’il est beaucoup plus difficile, et sans doute plus méritoire, d’accepter chrétiennement le bonheur que l’adversité ?

— Je ne saisis pas bien ta pensée. Explain ! comme vous dites au Parlement.

— Eh bien ! le malheur, en nous faisant toucher du doigt l’inanité des choses de ce monde, nous ramène naturellement à Dieu, à moins d’une perversion absolue. Le bonheur, au contraire, nous porte à oublier notre fin dernière. Dans la prospérité, dit Tertullien, l’âme arrête ses regards au Capitole ; mais dans l’adversité, elle les élève vers le ciel, où elle sait que réside le vrai Dieu. Les heureux de ce monde qui se tiennent unis à Dieu sont rares,