Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/106

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Celui-ci, quand il rentra, apprit avec quelque dépit le tour qu’on lui avait joué. Néanmoins, il dissimula son ressentiment pour pouvoir mieux se venger ; et ayant trouvé l’occasion de parler au chambellan en particulier : « Je crois devoir vous prévenir d’une chose importante, lui dit-il, c’est que notre maître a le cerveau dérangé, et que, de temps en temps, et aux changements de lune surtout, il lui prend des quintes si dangereuses, qu’on est obligé de le lier et de le battre. Ainsi tenez-vous sur vos gardes, car dans ces moments-là, il ne connaît plus personne, et s’il vous trouvait sous sa main, ma foi, je ne répondrais pas de vos jours. — Vous me faites peur, répondit le chambellan ; mais, dites-moi, peut-on prévoir à quelques signes la prochaine venue d’un accès ? Je le ferais lier alors, et corriger si bien que personne n’aurait à craindre de lui. — À force d’avoir vu de ces sortes de scènes, continua le garçon, nous avons appris à les prévoir. Si vous le voyez chercher çà et là, frapper la terre du pied, se lever, jeter son escabelle, c’est un signe que sa folie le prend. Sauvez-vous alors, ou employez tout aussitôt le remède dont vous m’avez parlé. — Eh bien ! nous l’emploierons, dit l’officier, soyez tranquille. »

Quelques jours après, Nidui trouve le moyen d’enlever adroitement et sans être aperçu de personne les grands ciseaux du tailleur. Celui-ci, qui en avait besoin pour couper, cherche autour de lui ; il se lève, regarde à terre, s’impatiente, frappe du pied, jure et finit par jeter de colère son escabelle au loin. Le chambellan aussitôt appela du monde : on saisit le prétendu fou, et on le bâtonne jusqu’à ce que les bras qui frappent tombent de lassitude.