Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/128

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prie, auprès d’elle, pour l’amour de moi. Dites-lui que si j’avais pu savoir quel pays elle habitait, j’aurais volé aussitôt la chercher. Ajoutez que jusqu’ici, je l’ai toujours attendue et que j’ai juré de ne jamais prendre qu’elle pour épouse. Allez, et si vous pouvez l’engager à venir me donner sa main, sachez que vous recevrez de moi autant d’or et d’argent que vous oserez m’en demander et en prendre. »

Sur la promesse du ménétrier d’employer tous ses efforts pour réussir, Aucassin lui fit donner d’avance vingt marcs d’argent. Le faux ménétrier se retira ; mais, en tournant la tête afin de voir encore son ami, Nicolette s’aperçut qu’il était tout en larmes. Son cœur en fut touché. Elle revint sur ses pas pour le prier de prendre courage, et l’assura que bientôt, et plus tôt même qu’il ne l’espérait, elle lui ferait voir sa douce amie qu’il aimait tant.

Au sortir du château, Nicolette se rendit chez le vicomte de Beaucaire. Il était mort. Elle demanda un entretien particulier à sa veuve de qui elle se fit reconnaître. La vicomtesse, qui avait élevé et nourri cette aimable enfant et qui l’aimait comme la sienne propre, la revit avec la plus grande joie, et la logea chez elle. Nicolette, par le moyen d’une herbe avec laquelle elle se frotta, fit disparaître cette noirceur artificielle qu’elle avait employée pour se déguiser. En moins de huit jours, quelques bains et le repos lui rendirent sa fraîcheur première ; et elle reparut éblouissante comme auparavant d’éclat et de beauté. La vicomtesse alors la para de ses plus magnifiques habits ; elle la fit asseoir sur un lit couvert d’une riche étoffe de soie, et sortit pour aller chercher Aucassin.