Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/25

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reconduisit le clerc jusqu’à l’auberge, lui souhaita un bon voyage, et retourna à l’église attendre que son curé le payât.

Celui-ci, sa messe dite, revint avec son étole et son livre vers l’hôtelier : « Mon ami, lui dit-il, mettez-vous à genoux. » L’autre, fort étonné de ce préambule, répondit que pour recevoir quinze sous il n’avait pas besoin de cette cérémonie. « Vraiment, on a eu raison, se dit le pasteur en lui-même, cet homme a un grain de folie. »

Puis, prenant un ton de douceur : « Allons, mon cher ami, reprit-il, ayez confiance en Dieu et recommandez-vous à lui, il aura pitié de votre état ; » et en même temps il lui met son livre sur la tête et commence son évangile.

Nicole en colère jette tout au loin ; il répète qu’on l’attend chez lui, qu’il lui faut quinze sous et qu’il n’a que faire d’orémus.

Le prêtre irrité appelle ses paroissiens et leur dit de saisir cet homme qui est fou. « Non, non, je ne le suis pas, et par saint Corneille (patron d’une abbaye de Compiègne) vous ne me jouerez pas ainsi : vous avez promis de me payer et je ne sortirai d’ici que quand j’aurai mon argent. — Prenez, prenez, criait le prêtre. » On saisit aussitôt le pauvre diable : les uns lui tiennent les mains, les autres les jambes, celui-ci le serre par le milieu du corps, celui-là l’exhorte à la douceur. Il fait des efforts terribles pour leur échapper, il jure comme un possédé, il écume de rage, mais il a beau faire, le curé lui met l’étole autour du cou et lit tranquillement son évangile depuis un bout jusqu’à l’autre, sans lui faire grâce d’un seul mot. Après cela