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Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/34

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de deviner le vrai de l’aventure. Ils se crurent déshonorés si Travers, dans ce conflit de stratagèmes, l’emportait sur eux, et ils revinrent chez lui, fortement déterminés à déployer pour la dernière fois tout ce dont ils étaient capables en fait de ruses.

Avant de rien entreprendre, Barat, pour savoir si l’ennemi était sur ses gardes, regarda par le trou qu’il avait fait à la muraille. Il vit d’un côté, Travers, étendu sur son lit et de l’autre la femme, dont la tête vacillait à droite et à gauche, dormant près du feu, une écumoire à la main, tandis que le cochon cuisait dans la marmite. « Ils ont voulu nous éviter la peine de le faire cuire, dit Barat à son frère ; et après tout, nous avons eu assez de mal pour qu’ils nous l’apprêtent. Sois tranquille, je te promets de t’en faire manger. » Il va couper aussitôt une longue gaule qu’il aiguise par un bout. Il monte sur le toit, et, descendant la gaule par la cheminée, il la pique dans un morceau qu’il enlève.

Le hasard fit que dans ce moment Travers s’éveilla, il vit la manœuvre et comprit qu’avec des ennemis si habiles, la paix pour lui était préférable à la guerre. « Amis, leur cria-t-il, vous avez tort de venir dégrader mon toit ; j’ai eu tort de ne pas vous inviter à goûter du cochon. Ne disputons plus de subtilité, ce serait à ne jamais finir : descendez et venez vous régaler avec nous. »

Il alla ouvrir la porte. On se mit à table, et l’on s’y réconcilia de la meilleure foi du monde.