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qu’habitaient quelques laboureurs, et que traversait ordinairement le marquis, quand, par amusement, il allait chasser. Au nombre de ces habitants était un vieillard appelé Janicola, pauvre, accablé d’infirmités et qui ne pouvait marcher. Souvent dans une malheureuse chaumière repose la bénédiction du ciel. Ce bon vieillard en était la preuve, car il lui restait de son mariage une fille nommée Griselidis, parfaitement belle de corps, mais l’âme encore plus belle, qui soutenait doucement et soulageait sa vieillesse. Dans le jour, elle allait garder quelques brebis qu’il avait ; le soir, lorsqu’elle les avait ramenées à l’étable, elle lui apprêtait son maigre repas, le levait ou le couchait sur son pauvre lit ; enfin, tous les services et tous les soins qu’une fille doit à son père, la vertueuse Griselidis les rendait au sien.

Depuis longtemps le marquis de Saluces avait été informé par la renommée commune, de la vertu et de la conduite respectable de cette fille. Souvent, en allant à la chasse, il lui était arrivé de s’arrêter pour la regarder, et dans son cœur il avait déjà déterminé que, si jamais il lui fallait choisir une épouse, il ne prendrait que Griselidis.

Cependant le jour qu’il avait fixé pour ses noces arriva, et le palais se trouvait rempli de dames, de chevaliers, de bourgeois et de gens de tous états. Mais ils avaient beau se demander les uns aux autres où était l’épouse de leur seigneur, aucun ne pouvait répondre. Lui alors, comme s’il eût voulu aller au-devant d’elle, sortit de son palais, et tout ce qu’il y avait de chevaliers et de dames le suivit en foule.

Il se rendit ainsi au village chez le pauvre homme