Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/104

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apathie nous porte à voir partout l’impossible, l’invraisemblable. Ainsi, voyez, quand parut Une Vie, la critique, cette grande parleuse, qui souvent tente de démolir un chef-d’œuvre, parce qu’elle ne l’a pas compris, n’avait pas de mots assez durs pour crier que mon roman n’était pas vrai, que les faits n’étaient pas possibles. Eh bien, les faits que j’ai exposés dans ce livre viennent de se passer à Fontainebleau, j’en ai le récit imprimé sur mon bureau. Si j’ai un regret, c’est d’avoir écrit trop tôt mon livre, car dans la réalité, c’est beaucoup plus définitif, plus complet que dans mon roman. Avec cela j’avais de quoi jeter par-dessus bord le critique le plus farouche. »


Septembre. — Mon maître va à la chasse comme les années précédentes, avec un peu moins d’entrain, il me semble.

Il a cependant fini la plus grande partie de son roman Pierre et Jean. Commencé à notre arrivée ici, il y a deux mois et demi, il est terminé ; il a très bien marché. Monsieur me dit que l’ombre que donne déjà l’allée de petits frênes, lui a été tout à fait propice ; c’est là-dessous, tout en marchant, que Pierre et Jean s’est trouvé debout, écrit en un temps relativement très court, si l’on tient compte des chroniques et nouvelles égrenées au courant de la semaine.

« Il me reste encore à faire, m’explique mon maître, avant que nous ne partions en Afrique, une sorte de préface que je mettrai en tête de ce petit roman, où je vais dire un peu ce que je pense de la critique, et aussi ma manière de comprendre le roman. »


Il y a encore beaucoup de baigneurs au bord de la mer, le temps étant resté beau. Presque chaque soir, il y a du