Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/127

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offrait à Salammbô, après lui avoir brisé sa chaînette symbolique !… »

En retournant vers Tunis, nous croisons sur la route un âne paré d’un collier de grelots et deux Arabes cyclistes : « Le premier, dit mon maître, est bien l’âne que Flaubert désigne dans Salammbô, il porte au cou les insignes des chanceux à la guerre… les seconds étonneraient fort les Carthaginois… »


Trois jours plus tard, le major Charvot, qui avait fait cadeau de Tahya à mon maître, la lui ramena, en lui disant qu’elle avait été retrouvée à Bizerte par un blanchisseur de la ville, et qu’il la lui avait ramenée mais qu’elle n’en était pas à sa première escapade.

Monsieur décida de la mettre sur la terrasse de la maison où elle pourrait marcher, et aussi pour l’habituer à reconnaître sa demeure. Une heure ne s’était pas écoulée que j’entendis appeler au bas de l’escalier. C’était une voisine qui me priait de vouloir bien venir prendre notre chienne chez elle. Tahya, dans un bond formidable, avait franchi les murs qui séparaient les deux maisons, et descendu un petit escalier qui conduisait à la cuisine de cette dame, attirée sans doute par l’odeur du fricot qui mijotait…

On décida alors de l’attacher, mais Monsieur y renonça bientôt, car elle s’y opposait de toute la force de son esprit vagabond. Si nous avions persisté, elle nous aurait bel et bien mordus ; on la laissa donc faire ses quatre volontés, elle se paya plusieurs fois des absences, puis, au bout de quelques jours, elle revenait, un peu penaude sur le moment, mais c’était vite oublié, en attendant la prochaine équipée. Elle ne mentait pas à sa race.