Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/131

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de France un peu plus d’expansion est permis. Et vous savez, François, que nous sommes sur un des bons sabots de la Compagnie Transatlantique. D’après ce que vient de me confier le capitaine, il a toute confiance en son bateau, il est, paraît-il, construit en grande partie en bois, et tient très bien la mer. »

Nous nous dirigeons vers l’avant du navire pour voir comment va la pauvre Tahya, qu’on a dû, selon le règlement, reléguer avec ses congénères. Elle a déjà le mal de mer, cette pauvre bête ; son beau museau vient frapper par intervalle dans les déjections qu’elle a déjà faites ; sa queue, sa si jolie queue, qu’en temps ordinaire elle porte si gaillardement, traîne derrière elle comme une loque. Mon maître lui parle, mais elle ne semble pas nous reconnaître ; la sloughi payait son tribut à la mer.


La traversée ne s’annonçait pas bonne, la mer grossissait et notre brave Moïse ne roulait pas, mais il tanguait déjà ferme. Tout le monde dut quitter le pont par ordre supérieur. Mon maître me dit : « Vous pouvez vous coucher, François, je me suis entendu avec le maître d’hôtel, nous ne manquerons de rien, et, si vous avez le mal de mer, restez allongé, c’est ce qu’il y a de mieux à faire dans ce cas. » Je le remerciai. À peine étais-je descendu dans la cabine que je fus pris du même mal que la pauvre Tahya.

À Marseille, une fois à terre, tout mon malaise disparut comme par enchantement. Il n’en fut pas de même de la pauvre Tahya, elle ne tenait plus sur ses pattes. Aussi fut-elle la première servie à l’hôtel Noailles, où nous descendîmes.