Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/165

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faction et une pointe de vanité. C’est qu’ici, la cuisine n’est pas faite par un homme du métier, mais elle est soignée ; ici, pas de routine, souvent des essais nouveaux qui ont la chance d’être réussis, et qui rendent Monsieur si content, non pas seulement pour lui, mais surtout pour ses invités. Aussi partent-ils rarement sans le féliciter sur les bonnes choses qu’ils ont savourées.

Toutes les dames invitées se connaissent, excepté la dame bourgeoise, l’érudite, qui parle peu, mais observe beaucoup. Elle ne perd pas un geste de ces grandes dames, elle les écoute, et son attention est visible ; la conversation est quelque peu banale, cependant on arrive à parler littérature, mais personne n’ose trop s’avancer sur ce terrain, sans doute parce qu’il y a un auteur présent. C’est un tort, car tout le bien qu’on pourra dire de ses confrères ne portera aucun ombrage à mon maître ; quoiqu’il s’en défende, il est toujours content d’entendre bien parler de la littérature des autres.

Un de ces messieurs se met à raconter un fait qui lui est arrivé en voyageant en bateau sur les côtes de Grèce. Ils étaient descendus à terre pour faire une partie de chasse dans des massifs de verdure séduisants, où ils espéraient trouver du gibier peut-être inconnu pour eux. Au bout de quelques minutes de marche dans ces bois difficiles, sans sentiers, ils s’aperçurent qu’ils étaient suivis, puis entourés par un groupe d’hommes vêtus de haillons qui leur firent l’effet de sauvages peu accommodants. C’étaient de vrais bandits qui leur firent comprendre leurs intentions : il fallait leur vider la bourse, ou sinon ils allaient se servir de leurs fusils.

Le conteur ajouta : « Nous aurions pu essayer de nous défendre, puisque nous étions armés, mais nous crûmes plus sage de parlementer et de vider nos bourses dans